JEAN-PIERRE DELANNOY
ARTISTE PEINTRE
"Une toile de Jean-Pierre Delannoy c'est d'abord une sensation, une douceur, et en même temps une force, une ambiance colorée, un silence, une musique.
Comme le ferait l'oreille écoutant une symphonie, ou plutôt un standard de ce jazz qu'il aime tant, le regard se perd dans les contours apparemment fous, puis se raccroche à une tache de couleur, un trait qui évoque une forme, qui fait partir l'imaginaire en le libérant du cadre figuré. Et l'on perçoit alors l'harmonie des tons ou les contrastes colorés, les transparences, la lumière qui émane de la toile, le volume juste suggéré.
La perception de l'espace devient alors évidente, le désordre s'organise, la profondeur se perçoit et les vides s'équilibrent naturellement avec les pleins. L'accord s'opère, la petite musique s'impose à nos sens. "
Sophie DUPISSON
Historienne de l'art,
Attachée de conservation du patrimoine,
département de l'Isère.

"Jean-Pierre Delannoy
Il y a une dizaine d’années, une peinture exposée chez un galeriste nordiste nous a coupé le souffle. Un coup de cœur, plutôt une invitation au voyage à travers un paysage aux couleurs inattendues, indiciblement douces, qui métamorphosaient toute réalité en rêve ... sous un ciel infini et limpide dont la transparence laissait apparaître un au-delà. Cette toile, une ‘marine’ – loin d’être une simple ‘marine’ - nous a ouvert la voie vers son créateur, Jean-Pierre Delannoy.
Une première rencontre eut lieu. Dès lors, nous avons eu le bonheur d’intégrer le grand cercle d’amis qui l’accompagnaient depuis toujours. Nous avons immédiatement apprécié sa personnalité généreuse et sincère, admiré sa créativité et son art à peindre de manière si singulière, propre à lui- même.
Malheureusement, nous n’avons pas eu la chance de connaître J-P Delannoy à l’âge dit ‘mûr’, l’âge de la force créatrice ; nous l’avons connu alors qu’il était déjà affaibli par la maladie, annonciatrice de sa fin de vie, contre laquelle il a su résister, continuant à peindre, courageux, sans plainte ni regret. C’est dans ces années de souffrance que le plus profond, le meilleur de lui-même s’est peut-être en fait révélé : une force intérieure admirable, une volonté imperturbable de partager son don artistique exceptionnel et ses convictions humanistes. Pour J-P Delannoy, vivre c’était peindre, créer c’était résister ; tout ceci pour l’amour de la vie, pour l’amour des autres, pour l’amour de tous ceux qui lui étaient chers.
‘ Une œuvre‘, disait-il, ‘si petite soit-elle, devient un ambassadeur d’amour’ : une phrase-clé, nous semble-t-il, qui permet de comprendre de plus en plus les peintures de sa dernière décennie, son besoin de s’exprimer par une peinture ‘suggestive’ où toute délimitation du réel s’estompe. Ses portraits, ses paysages, ses marines sur toile ainsi que ses pastels : tous trouvent vie par cet équilibre délicat entre abolition du graphisme et illusion des formes, émanation d’une palette de couleurs multiples parfois mises en opposition nette et ferme, parfois en dégradés d’une rare sensibilité et d’une douceur saisissante.
Cet art de la suggestion par ses ‘flous’, comme il les nommait, offre au contemplateur la possibilité de faire appel à sa propre imagination, de vivre et de s’approprier l’œuvre à sa manière, bref de devenir un véritable co-créateur. Ce dernier saisit la grande générosité de l’artiste, son respect de la liberté de l’autre et son invitation à un partage artistique et humain.
Bien au-delà encore, l’observateur comprend que, par cette fluidité essentielle donnée à sa peinture et par ce dépassement de la réalité, J-P Delannoy luttait contre toute séparation, toute isolation dans son monde pictural, créant par contre en synergie avec l’harmonie des couleurs lumineuses du Nord un tout, un univers cohérent de beauté et de paix.
C’est grâce à ses messages d’amour que notre ami artiste, ce nordiste de souche, a su rendre heureux nombre de ses admirateurs, non seulement ceux des Hauts de France mais aussi ceux de pays voisins, telles l’Angleterre, l’Allemagne ou la Belgique."
Ilse WÖLKER-PICAPER
Germaniste,
ancienne Conseillère Pédagogique d’Etat pour les enseignants d’allemand internationaux
et ancienne Responsable du Service Pédagogique de l’Institut Goethe, Lille
Alec PICAPER
ancien Directeur Général à l’international dans la Grande Distribution et la Logistique.
Lille, le 23 avril 2021

"Que regarde Delannoy ? Parfois, furtif, il vous fixe, avant de replonger les yeux grands ouverts, vers un point que l’on ne perçoit pas. Soixante ans de peinture ont comme façonné ses rétines pour qu’elles soient inondées de lumière même si l’homme frappe son ventre pour montrer « où les choses se passent ». À 75 ans, Jean-Pierre Delannoy poursuit le travail amorcé en 1952, quand il entre aux Beaux-Arts contre l’avis de son père mais encouragé par sa mère. La première place à un concours de peinture à 17 ans confirme sa vocation : « j’ai gagné le droit d’exposer un mois à la galerie Dujardin de Roubaix », là où sont passés de nombreux artistes qui connaîtront une carrière brillante.
Sortir de l’académisme
Delannoy, lui, entrera dans l’enseignement par accident. Après des mois en pleine guerre d’Algérie, il entre au lycée Gambetta de Tourcoing pour transmettre les arts plastiques : « mon emploi du temps était élastique et il m’a laissé du temps pour peindre. » Le prof peint avant, après et même parfois pendant les cours : « la technique n’est pas théorique, il faut la montrer. » À cette époque, il partait en pleine nature, chevalet, tubes et toiles sur le vélo. Puis, dans les années soixante-dix, il décide de ne plus sortir de son atelier : « j’ai mis dix ans à sortir de l’académisme des Beaux-Arts. J’y ai appris à dessiner, à trouver une certaine harmonie mais à un moment, j’ai utilisé ma mémoire. » La quête d’un style personnel est lancée. Jean-Pierre dort très peu, se levant tôt pour se coucher tard, passant des heures devant les toiles. Il adore mélanger les techniques, piocher dans des supports qui parfois viennent de la récupération. Il presse ses tubes à deux mains et passe d’un sujet à un autre, travaillant parfois toute une série en même temps.
Et si le peintre passe autant de temps devant sa peinture, c’est qu’il éprouve la plus grande difficulté à mettre la touche finale. Souvent, sa femme Françoise lui vient en aide, conseillant, admirant et respectant toujours celui qu’elle voit évoluer depuis des lustres. Sans elle, Delannoy n’arriverait pas à suivre les exigences d’une vie en société, restant en vie suspendu à un pinceau.
« Un tableau vendu est un tableau sauvé », confie Delannoy. Celui pour qui « rien n’est jamais acquis » doit arrêter avant d’abîmer le support. Déjà, en gardant des toiles dans un abri de jardin en bois, elles souffrent. C’est pourquoi la mairie d’Halluin a mis un local de 25 m² à disposition de l’artiste.
Depuis un mois, Delannoy s’est mis en pause : « Le magasin cerveau peut être en rupture de stock alors il faut se réapprovisionner, changer les dosages et les recettes. Mais je peins la nuit ». L’esprit est intact mais l’âge commence à peser. Le peintre marche difficilement, dort beaucoup en laissant flotter ses idées.
Entrer au musée
L’ambition de cet artiste n’est plus de bien vendre ses toiles couvrant un éventail de 250 à 6 000 euros, mais d’être reconnu, de franchir le palier des musées, d’être prisé des conservateurs avant de voir sonner son heure. Françoise croit en son homme, d’où une certaine révolte : « il faut attendre d’être mort, c’est abject ». Pourtant, au cours d’une visite avant l’ouverture de l’exposition à la Galerie, le musée de la Piscine de Roubaix lui a acheté une oeuvre. Un achat qui a déclenché un sourire d’enfant".
Geoffroy de SAINT GILLES,
La Voix du Nord, le 18 novembre 2011
